Mes 2zoreilles, l'immersion dans le monde sonore

 

Merci à tout ceux qui m'ont soutenue de loin comme de près pour cette deuxième implantation "TGV" puisque décidée fermement fin janvier, opérée mi-mars et déjà bien en route ...

 

 

La prise de décision

 

Lorsque j’ai été implantée en 1999, par le professeur Bernard Meyer à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, un seul implant cochléaire était proposé.

Le témoignage de mon 1er implant

 

Puis au début des années 2 000, la bi-implantation a débuté en France uniquement dans quelques centres d’implantation. Bien sûr, j’ai pu constater auprès des très nombreuses personnes implantées en bilatéral leur faculté d’écoute à 360°, leur aisance à se retrouver dans le milieu sonore. Mais après une première implantation qui d’un côté m’apporte quasiment 100% de compréhension et de l’autre une angoisse familiale toujours bien présente, je ne me sentais pas capable de faire subir à ma famille cette 2ème implantation.

En effet, je percevais dans les yeux de ma mère surtout, une terrible angoisse lorsque je lui disais mon souhait de me faire poser un 2ème implant. A son décès brutal en mai 2014, c’est une autre angoisse qui se fait jour : comment vais-je entendre au mieux et longtemps sans elle ? Alors qu’elle a été très longtemps ma 2ème oreille …

 

En novembre 2014, j’ai alors la chance d’échanger très longuement à Bordeaux avec le professeur Jean-Pierre Bébéar et ses encouragements à me faire poser un 2ème implant m’ont définitivement convaincu. Il ne me restait plus que la décision finale et réussir à fixer une date opératoire assez éloignée de l’été 2015 pour que je sois en pleine forme l’été prochain. Ma décision de le faire avant l’été était de ne pas reproduire l'erreur de ma 1ère implantation. Celle-ci avait été programmée après l’été justement pour soi-disant passer l’été tranquillement, alors qu’après avoir été implantée, je l’avais bien regretté. Car passer des vacances sourde cela n’avait rien à voir avec le bonheur des vacances  immergée dans le monde sonore !

 

Je me suis donc décidée fin janvier, à mettre en route cette future implantation tout en connaissant parfaitement l’impossibilité de savoir si mon nerf pourrait supporter ce 2ème implant car il n’avait pas fonctionné depuis 15 ans.

 

Mon opération

 

Je prends rendez-vous à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, avec le Dr Isabelle Mosnier qui va devenir ma chirurgienne pour cette 2ème implantation et une date est possible : le mardi 17 mars que j’accepte de suite. Elle me propose de faire cette opération en ambulatoire, mais là j’hésite un peu car  même si je connaissais ce mode opératoire depuis plusieurs années, cela me semble osé ! Bien sûr, elle me rassure et je lui fais confiance.

 

En vue de cette 2ème implantation, une journée d’examens est fixée à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Lors de ce bilan, j’ai une consultation avec Emmanuelle Ambert-Dahan qui va devenir ma régleuse. Le bilan effectué démontre que mon 1er implant m’apporte une très bonne compréhension aussi bien sans bruit de fond qu’avec bruit de fond. Comment imaginer qu’un 2ème implant puisse m’apporter plus ? Mais oui je reste bien décidée à remettre en marche ma 2ème oreille notamment pour pallier à une baisse possible des bénéfices du 1er  implant !

 

Mais envisager une nouvelle opération cela me ramène loin en arrière, ravive de nombreuses blessures et la consultation avec Christel Carillo, psychologue au sein du service, me sera bien utile. Mon opération est donc toujours bien programmée le 17 mars en ambulatoire.

Le jour précédent et le matin même, on se doit d’effectuer des protocoles très stricts de douches à la Bétadine et je dois être accompagnée par mon mari. Nous arrivons à 7h et à 8h, je suis déjà au bloc. Je reviens dans la salle de soins vers midi mais là j’ai beaucoup de mal à me réveiller, je dors énormément. A 14h à peine, j’aperçois le Dr Yann Nguyen, qui me retire mon énorme bandage pour ne laisser qu’une compresse posée sur la cicatrice et tenue par un filet et on me remet en fonction le processeur de mon 1er implant. Vers 18h, je dois me remettre debout pour m’habiller et sortir ….  Ce sera bien difficile car je suis encore très fatiguée mais ensuite, je suis bien contente de retrouver mon propre lit.

 

La fatigue sera encore bien présente une bonne semaine puis s’estompera. Quelques douleurs se font ressentir durant les 3 premiers jours mais avec le paracétamol, elles s’estompent totalement. L’essentiel pour ma part est de n’avoir aucun souci postopératoire, je reste donc extrêmement prudente les premiers jours. Pour cela, j’avais aussi prévu de faire surveiller ma cicatrice par une amie infirmière qui passera très régulièrement les premiers jours.

L’angoisse de l’opération disparaît et je dois faire face à un enthousiasme démesuré à l’idée de retrouver peut-être mes 2zoreilles ?  Surtout je le sais très bien, je dois absolument refouler cette idée car rien ne peut-être « promis ».

Et là je reprends mes différentes activités pour surtout ne plus y penser …


L’activation de ma 2ème oreille

J’arrive donc le vendredi 3 avril, pour l’activation en me disant « je viens à un « banal » réglage ! »

Emmanuelle Ambert-Dahan avec une belle patience passe en revue les différentes électrodes qui fonctionnent et nous validons les différents seuils. Je trouve les sons très aigus mais agréables tout de même à l’écoute … Là je me dis, c’est bon signe mais toujours sans rien imaginer …

 

Puis viens le moment de l’écoute … j’entends une ou 2 secondes des espèces de bulles puis une voix qui vient d’on ne sait où ….une voix très étrange, très nasillarde mais une voix et des mots  que je comprends même sans lecture labiale … Et là je m’écroule, ça marche …….

 

Bizarrement dès que je remets en marche en plus, mon 1er implant, je perçois de suite cette sensation d’ouverture du monde sonore, comme si avec un implant on est enfermé dans un petit coin de ce monde sonore mais qu’avec un 2ème implant, on se retrouve dans une énorme pièce.

Mais voilà, la qualité entre les 2 implants est bien différente, d’un côté j’entends de façon nette et naturelle et de l’autre c’est très aigu et très nasillard. Je perçois également un léger temps de retard d’écoute entre les 2 implants qui provoque un écho. Or bizarrement dès que je mets en fonction les 2 processeurs ensembles, je perçois déjà que le 2ème  implant m’apporte plus d’audition en complétant les sons apportés par le 1erimplant.

 

Je sais que pour faire avancer ma compréhension et surtout pour que l’audition du 2ème implant s’affine, je dois le faire travailler seul. Alors je tente dès ma sortie d’éteindre mon 1er implant et de ne laisser en fonction que mon 2ème implant. Mais l’écoute est bien difficile quand même !

 

Ma première semaine

 

Mon orthophoniste depuis près de 25 ans, Véronique Bonnardot qui m’avait accompagné lors de mon basculement dans la surdité en 1991 et qui va assurer ma rééducation, m’écrit ce qu’il faut :

 

«Pour l'entrainement avec la télé, c'est une bonne idée, mais… sur de courtes durées (mieux vaut plusieurs fois 10 min que 2 h). Si c'est plus confortable avec les 2, n'hésite pas à les porter simultanément, surtout au quotidien. Le cerveau aime bien les expériences agréables, alors les exercices avec le 2ème seul peuvent attendre un peu. Respecte aussi les douleurs au niveau de la cicatrice et enlève le quelques heures dès que tu ressens une gêne.

Et… tout doux pour l'entraînement…c'est comme ca que tu progresseras le + vite… »

 

Donc je prends ce rythme : le matin, au calme et bien reposée, je ne mets en route que le 2ème implant avec lequel j’écoute la télévision, via mon système FM, avec une compréhension très aléatoire. Puis lorsque je suis saturée par la qualité sonore très désagréable j’y ajoute mon 1er implant. Et en fin de journée, j’éteins mon 2ème implant mais là je ressens un étrange basculement dans la surdité ….

 

Le jour de mon activation, toutes les voix étaient identiques. Dès le lendemain, les voix féminines et masculines commencent à se distinguer et là je me dis, ouf c’est bon mon audition a un peu progressé, je suis donc bien sur les étapes habituelles de la rééducation auditive par l’implant cochléaire.

 

Dès les premiers jours, plein de situations me surprennent :

-          A table, je peux entendre les personnes bien plus éloignées qu’auparavant, les conversations en bout de table me sont plus accessibles. Alors qu’avec un implant, on comprend toutes les personnes à proximité, avec 2 implants on réussi à entendre de façon plus nette les convives plus éloignés.

-          Avec un implant, on entend les sons à gauche et à droite mais on ne peut pas réellement les écouter de façon simultanée, or dès le 2ème jour, je retrouve cette sensation oubliée d’avoir une oreille qui écoute d’un côté et l’autre qui écoute autre chose …comme pour nos bras qui sont occupés à faire des choses différentes.

-          Lors d’une réunion de famille dans une grande pièce, si je mets en marche uniquement mon 1er implant, je perçois uniquement la personne à mes côtés et le reste des conversations se mélangent en bruit de fond.  Si je mets en marche mes 2 implants, je peux percevoir et comprendre plus nettement plusieurs conversions, à gauche, à droite.

 

J’avais souvent entendu dire « avec 2 implants, on comprend mieux dans le bruit », oui avec 2 implants « le bruit devient de la parole ». Dans le bruit, de nombreux sons réussissent à se compléter permettant de diminuer le bruit de fond brouillé en identification de sons qui permettent et facilitent la compréhension.

 

C’est également une sensation d’immersion dans le monde sonore, une possibilité de localisation des sons qui est de suite perceptible comme si on retrouve 2 systèmes auditifs qui réussissent à gérer des sons de façon presque indépendante tout en les complétant également. Si avec un implant on perçoit une partie du champ sonore avec 2 on n’en perçoit non pas le double mais 3 fois plus.

 

Très rapidement la qualité d’écoute se fait ressentir avec 2 implants, le naturel est affiné, les voix sont plus naturelles et même la musique. Ma voix également est déjà légèrement modifiée.

 

Côté équilibre, je perçois un meilleur équilibre de ma tête et surtout je réussis plus facilement à tourner ma tête à gauche et à droite sans percevoir de « basculement » comme auparavant. Je précise que ce problème était lié à un important déficit vestibulaire.

Mais la mise en marche de mon 1er implant est bien loin, je dois m’accrocher à faire évoluer cette écoute désagréable du 2ème implant alors que le 1er implant me procure une audition claire et nette.

 

Un ami bi-implanté me suggère malgré tout de tenter l’écoute de la musique avec 2 implants. Je suis allée chercher d’anciens CD qui m’avaient été utiles lors de ma première implantation. Et là, à nouveau je me sens submergée par l’émotion que cette écoute si riche  me procure. Pour tous ces essais d’écoute musicale, je perçois dès à présent avec 2 implants, plus nettement chaque instrument, ainsi que les paroles.

Je crois que le terme « meilleure discrimination » est bien à propos et j’en comprends tout son sens.

 

1ère séance de rééducation :

 

Pourquoi refaire des séances de rééducation ? Tout simplement pour guider le travail d’écoute du 2ème implant qui doit être effectué. Car même si dès cette première séance je peux comprendre avec uniquement mon 2ème implant, en grande partie le texte, il y a bien des mots, des syllabes que je perçois mal et que l’on doit réécouter plusieurs fois pour mieux les percevoir.  Je repars avec ce texte sur ma clé USB qui sera mon devoir d’écoute jusqu’à ma prochaine séance.

 

Après le 2ème réglage

 

Le 2ème réglage me semble nettement plus facile que le 1er, le côté aigu de chaque électrode ne me surprend plus et j’arrive à mieux définir chaque seuil.  Cela se ressent de suite, la compréhension est améliorée et je n’ose l’écrire, mais je peux dès à présent écouter la télévision et la comprendre avec moins de difficulté. La qualité sonore de chaque voix, chaque son s’est affiné même si elle reste très nasillarde. Je peux travailler plus aisément l’écoute de mon 2ème implant seul.

 

Dès que je mets en route mes 2 implants je perçois encore mieux la musique … cela m’encourage très fortement à persévérer pour je l’espère réussir à petit à petit faire disparaitre ce coté d’écoute nasillarde ainsi que l’écho que je perçois entre les 2 écoutes de mes 2 implants.

 

Lors de ma première implantation, compte tenu que j’étais sourde profonde, je n’étais plus dans la communication orale. A cette époque, ma rééducation avançait en même temps que je revenais dans la communication. Plus je comprenais et plus je communiquais dans différentes situations. Or pour ce 2ème implant, la difficulté réside dans le fait qu’ayant une bonne communication, je dois m’écarter de la communication orale dans la journée pour privilégier l’écoute avec mon 2ème implant qui n’est pas encore optimale en terme de communication orale. Pour mon entourage, ce n’est pas évident et je dois donc m’adapter à trouver des moments opportuns pour ce travail d’écoute avec le 2ème implant tout seul.

 

2ème séance de rééducation :

 

Nous travaillons l’écoute et la compréhension sans lecture labiale d’un nouveau texte puis déjà, à ma grande surprise une chanson que j’écoute et dont je perçois déjà quelques paroles (Joe Dassin, « Et si tu n’existais pas »). Ensuite, pour travailler l’écoute des aigus, Véronique Bonnardot me fait écouter la chanteuse Asa. Et là j’ai la nette sensation que mon nouvel implant s’active à percevoir des sons très très aigus. Je repars avec pour devoir : l’écoute d’un texte mais aussi l’écoute via Youtube de la chanson de Joe Dassin et je m’entraine aussi à percevoir la chanteuse Asa avec mon nouvel implant. Tous les exercices de rééducation sont effectués avec uniquement le 2ème implant en fonction, le 1er processeur étant éteint.

 

3ème séances de rééducation :

 

Je dois parler à voix haute pour m’entendre et faire travailler ma voix et son intonation. Puis je travaille l’écoute et la compréhension de phrases sans liens les unes avec les autres en ayant juste la connaissance du contexte. Un peu plus difficile quand même …

 

Après 2 semaines d’écoute :

 

J’arrive à mieux distinguer et reconnaitre les différentes voix. Je porte mes 2 implants toute la journée et je peux aussi mettre en marche mon 2ème implant tout seul beaucoup plus longtemps. Mais je ne peux toujours pas communiquer facilement avec mon entourage avec ce 2ème implant tout seul, ou alors si je le fais, je dois faire répéter ! Car même si la compréhension est déjà bien présente, les voix sont très déformées et cela altère bien évidemment la compréhension.

 

Mais je suis maintenant totalement rassurée et très confiante, car la perception auditive avec mon 2ème implant progresse, il ne me reste plus qu’à la travailler avec patience et persévérance !  

Catherine D.