Ma vie en déséquilibre

Quelques jours avant que je devienne sourde, j’ai été prise d’intenses vertiges rotatoires durant plusieurs jours, c’était en Aout 1991. Ces vertiges m’imposaient l’alitement.

Puis un matin, ces vertiges avaient disparu mais un nouveau cauchemar était apparu : je descends de mon lit, mets un pied par terre et là totalement impossible de tenir debout. Ma tête me semble disloquée, elle ne semble pas être tenue par mon cou. Je découvre que le mur est en mouvement perpétuel de même que le sol.

Comment tenir debout ?

Comment avancer sur un sol qui tremble en permanence ?

Personne a ce moment ne comprend ce qui m’arrive, alors toute seule je vais mettre des chaises tout au long de mon parcours durant des semaines pour avancer d’une pièce à l’autre. Puis un jour je réussis à retirer quelques chaises, un autre je réussis à marcher dehors en me tenant au bras de ma mère, mon ami, ma cousine et même ma grand-mère qui n’en revient pas de voir sa petite fille de 25 ans redevenue un bébé d’un an qui commence à marcher.

 

Mais à force de persévérance, je réussis à faire quelques pas seule en regardant bien devant moi.

Je ne le savais pas mais ma rééducation avait commencé. Cette rééducation consiste à s’aider des yeux pour donner une information au cerveau afin de positionner son corps, sa tête.

Avant c’était le travail des 2 vestibules mais ces 2 vestibules se sont entièrement détruits à la suite de mes vertiges. Pourquoi, c’est encore maintenant un mystère pour moi, et bien d’autres …

 

L'oreille interne est constituée de 2 parties : la cochlée (audition) et le vestibule (équilibre).

Si une partie d’un vestibule ou un seul vestibule est détruit, le 2ème le relaie.

Ce n’est qu’en cas de destruction totale des 2 vestibules qu’on se retrouve avec une aréflexie vestibulaire bilatérale et invalidante.

 

Une chanson m’a aidée, celle de Claude François : « Marche tout droit », encore maintenant lorsque je peine à marcher, je la chante dans ma tête pour avancer sans tituber. Car ma démarche ressemble très souvent à la démarche d’une personne ayant bu plusieurs verres !

 

Il m’a fallu plus d’un an de séances quotidiennes de rééducation vestibulaires afin de remarcher.

 

Ma vision est toujours « en mouvement » mais j’arrive à tenir debout si je vois.

Dans le noir, cela m’est toujours impossible et c’est maintenant mes enfants qui me servent de « béquille ».

 

Ma vision est toujours fluctuante, si je tape sur ordinateur, les lettres, les touches sur le clavier bougent : je dois les rattraper « visuellement ».

J’ai mis plusieurs mois avant de lire à nouveau « correctement » car au début, il me fallait bien 5 minutes pour lire une ligne, et remettre toutes les lettres ensemble alors qu’elles « sautaient » : une en dessus, une en dessous …

 

Pour que ma vision soit stable, je dois appuyer ma tête en haut d’un canapé par exemple. C’est un moment tellement agréable quand les murs ne bougent plus.

 

Il m’est impossible de tourner la tête en marchant sinon je bascule par terre.

Au début cette vision était insupportable et je préférais presque ne rien voir. Il m’a fallu plusieurs années pour retrouver un certain plaisir visuel.

Un endroit en particulier que je connaissais bien et appréciais énormément, c’était Venise.

Voir Venise dans ces conditions a été un vrai cauchemar durant de longues années. Et encore maintenant je dois faire un grand effort pour sourire à cette vision déformée, d’une si belle ville.

 

Certains sports me sont toujours inaccessibles malgré plusieurs tentatives : le vélo, le patinage sur glace, la plongée …

 

Après des années d’efforts je nage à nouveau, la tête bien au dessus de l’eau et sans « vague ».

Si je reçois des éclaboussures, je suis obligée de m’arrêter pour me tenir au bord afin de retrouver la maîtrise de « mon équilibre ».

 

Je réussis aussi à skier s’il n’y a pas de brouillard …Au début je ne pouvais skier que sur des pistes faciles mais peu à peu je réussis à descendre des pistes plus en pente. Par contre il m’est toujours impossible de faire du ski sur pistes avec des bosses.

 

Chaque mouvement demande de la concentration, un peu comme si on marchait sur un fil !

 

C’est un handicap sournois, invisible et totalement inconnu. J’ai fait un rêve lorsque j’ai été implantée cochléaire : retrouver mon équilibre à l’aide d’un implant vestibulaire ….

 

Catherine