"A ce stade et refusant la fatalité, je me suis donc tournée vers la solution de l'implant. "

De  Danielle LOUIS à La Rochelle

A 46 ans, après une diminution lente de l'audition depuis l'âge de 18 ans, sourde profonde de l'oreille droite, donc plus appareillable  avec une prothèse ; et sourde sévère de l'oreille gauche, encore appareillable de ce
côté mais avec une compréhension de la parole extrêmement difficile. La lecture labiale (après 2 ans d'apprentissage avec une orthophoniste) était mon seul moyen de communication.

A ce stade et refusant la fatalité, je me suis donc tournée vers la solution de l'implant. J'en avais vaguement entendu parler et avais vu il y a bien longtemps une émission télévisée après laquelle je m'étais dit que jamais je
ne me ferais implanter car cela me semblait une opération très lourde.
Evidemment, n'ayant plus d'autre alternative, j'ai reconsidéré ma position et
ai décidé de me renseigner.

j'ai donc pris contact avec le Professeur DAUMAN à l'hôpital Pellegrin à Bordeaux. Après une première consultation où l'on teste le degré de motivation du patient, son stade de surdité, (mesuré par un audiogramme
pratiqué à l'hôpital juste avant la consultation) son aisance à la pratique de la lecture labiale, et au vu d'un scanner et d'un IRM afin de voir le degré d'ossification de la cochlée, le Professeur m'a dit que l'implant dans
mon cas était une possibilité et qu'il devait pratiquer une stimulation électrique sur le nerf auditif afin de vérifier qu'il pouvait fonctionner. Un test avec des orthophonistes a également été nécessaire afin de vérifier mon
degré d'audition avec la prothèse qui me restait, et donc mon habilité à m'habituer à un appareillage. Une fois la stimulation électrique effectuée, mon nerf auditif s'avérant en excellent état, le Professeur m'a donc confirmé
que j'étais opérable. La décision finale m'appartenait.

J'avais auparavant bien évidemment rencontré des personnes implantées et toutes ces personnes qui avaient été opérées à Bordeaux étaient parfaitement satisfaites du résultat. Il faut souligner que si l'on est opérable, cela
veut dire que l'équipe médicale de Bordeaux s'entoure de 100 % de chance de réussite. Si l'opération a la moindre chance d'échec connu, le feu vert ne sera pas donné.
Ensuite les choses sont allées très vite. Ma première consultation avec le Professeur DAUMAN et son équipe a eu lieu en Janvier et l'opération a été pratiquée le 20 mars.

C'est une décision difficile à prendre. Même si je savais qu'il y avait 100 % de chance de réussite et que j'avais rencontré des personnes extrêmement satisfaites. L'idée de me faire ouvrir le crâne et de rester plusieurs heures sur la table d'opération me faisait quand même peur, mais cette peur peut être liée à n'importe quelle autre opération.

De toutes façons ma décision était prise et il n'était pas question de reculer, j'ai donc demandé à être opérée le plus rapidement possible car plus l'attente serait longue et plus l'angoisse serait importante.

Je suis rentrée à l'hôpital la veille de l'opération. Une infirmière m'a rasé une partie du crâne, tonsure, qui une fois les cheveux du haut rabattus ne se voyait pas.
L'opération a duré environ 4 heures, mais étant bien entendu sous anesthésie générale, je ne me suis rendue compte de rien. Lorsque je me suis réveillée j'avais un gros pansement sur l'oreille et une partie de la tête mais pas de douleur. Je me sentais très faible et ne pouvais pas soulever la tête sans ressentir des vertiges. Le lendemain j'avais la tête qui tournait et ne pouvais toujours pas me lever, mais une infirmière m'a dit que je devais forcer pour que tout se remette en place. Effectivement en forçant un peu,
j'allais de mieux en mieux et étais capable de me lever très rapidement. Je suis sortie au bout de 4 jours. L'hospitalisation a duré moins longtemps que pour une opération de l'appendicite.

De retour à la maison, il s'agissait de se reposer, mais je vaquais déjà à mes occupations quotidiennes sans trop forcer évidemment. 10 jours plus tard, je pouvais déjà me remettre à conduire la voiture. En somme tout se passait le mieux possible.

Il a fallu attendre 5 semaines, de façon à ce que la plaie soit bien cicatrisée, avant de retourner à Bordeaux pour faire brancher les électrodes.

Moment attendu avec impatience et appréhension. Impatience car j'avais hâte de réentendre et appréhension car j'avais peur justement d'être déçue et que tout cela n'ait servi a rien.
Le réglage se fait par ordinateur. Chaque électrode est réglée séparément, du niveau le plus faible au niveau le plus fort. C'est à dire que l'on doit signaler lorsque l'on commence à entendre un bruit, ou plutôt une fréquence, grave ou aigüe suivant l'électrode qui est en train d'être branchée et réglée. Cela, 22 fois puisqu'il y a 22 électrodes.

Le réglage ne pouvant se faire que progressivement pour ne pas "abrutir" le patient avec du bruit qu'il n'a plus l'habitude d'entendre, ce premier réglage sera donc décevant car très faible. En effet je percevais vaguement du bruit assourdis avec une résonnance métallique, comme si j'entendais avec un échos, ce que j'entendais à gauche avec ma prothèse. J'étais un peu déçue
car j'espérais quand même entendre mieux. C'était simplement un tout petit plus.

Après une semaine, le temps de m'habituer à réentendre du bruit, je suis retournée à Bordeaux pour un nouveau réglage. La puissance a été sensiblement augmentée et le résultat était déjà meilleur, l'optimisme revenait.
J'entendais un peu mieux, mais toujours cette résonnance métallique, toujours cet échos auquel il faudra s'habituer car il sera toujours là mais s'estompera avec l'habitude plus tard.

J'ai eu un réglage par semaine pendant 3 semaines avec augmentation de puissance et le résultat devenait meilleur à chaque fois.

A ce stade de violents vertiges sont apparus dus certainement à une réaction post opératoire. Avec un traitement adapté, ceux-ci ont rapidement diminué puis cessé totalement. Tout le monde n'en a pas, cela dépend de la personne.
Je n'ai jamais eu de migraine à la suite de l'opération ni aucun autre trouble à part ces vertiges. Une chose cependant, une altération du goût du côté droit de la langue (côté opéré) qui à ce jour n'a pas tout à fait disparu.

Après une adaptation d'environ 1 mois, un nouveau réglage est programmé et l'appareillage est alors optimisé presque à son maximum avec un programme à utiliser dans le bruit, et un programme à utiliser sans bruit ambiant, de façon à avoir une meilleure compréhension de la parole. Il suffit d'appuyer sur un bouton du boitier pour passer d'un programme à l'autre.

Les résultats sont alors formidables. 2 mois après le branchement et les divers réglages et seulement avec l'implant, sans utiliser la prothèse et en regardant les gens en face, je peux suivre une conversation normalement sans bruit ambiant et presque normalement dans un environnement bruyant en sélectionnant le "programme bruit". A l'aide de l'adaptateur HI/FI-Télévision je peux suivre une émission (genre débat ou émission culturel) presque dans sa totalité sans télétexte et le journal télévisé avec beaucoup plus de
facilité encore. Je préfère même maintenant éliminer le télétexte (quand pas trop fatiguée) car trop incomplet par rapport à l'oral. Ceci demande quand même une grande attention et écoute et il faut être disposé à le faire. Après une journée de travail, le télétexte est quand même plus reposant. Quant aux films cela est beaucoup plus difficile car il s'agit souvent de films doublés en français donc pas de lecture labiale possible.

Il ne faut pas espérer entendre normalement comme quelqu'un d'entendant. Pour quelqu'un qui a connu la prothèse en phase terminale de l'audition, l'implant apporte plus de confort, il faut faire un effort d'écoute évidemment mais beaucoup moins difficile qu'avec la prothèse et au fil des jours l'effort est moins difficile, car on s'habitue à cette nouvelle façon d'entendre avec
l'implant.
L'implant perçoit beaucoup mieux les bruits que la prothèse, par exemple je peux entendre beaucoup plus finement les grillons et les oiseaux sans déformation pratiquement par rapport à l'oreille normale. D'une manière générale, il me semble que les bruits aigus ne sont pas déformés. Je n'avais par exemple jamais auparavant avec la prothèse entendu la sonnerie du thermomètre électronique lorsque mes enfants étaient malades et ils devaient m'avertir lorsqu'il sonnait. Pour la première fois j'ai entendu cette sonnerie avec l'implant. Une toute petite sonnerie aigue, mais très nette, que j'entends comme n'importe quel entendant. Les bruits graves sont plus
déformés. Le chien qui aboie est beaucoup plus difficile à identifier au début, mais au bout de peu de temps on apprend à le reconnaître. Le ronronnement du réfrigérateur est également difficilement identifiable au début. Avec l'implant on entend le bruit mais il est difficile de situer l'endroit du bruit ; loin, près, à gauche, à droite, en haut, en bas, c'est difficile de situer. Je dirais qu'il n'y a pas de relief, c'est plat. La prothèse aide en donnant un peu de relief, c'est à dire qu'elle aide à la reconnaissance d'une voix (si c'est une homme, une femme) par exemple, car le son avec l'implant est monocorde mais au niveau de la perception, l'implant est bien supérieur.

Les bruits très violents avec la prothèse, tels que moto, camion, marteau piqueur etc...ne gênent absolument pas avec l'implant car il y a une compression de ces bruits ambiants beaucoup plus forte. Lorsque survient un bruit de ce genre, l'implant se met comme "en veille" le temps que le bruit cesse de façon à ne pas agresser.

J'ai repris mon travail d'employée administrative deux mois et demi après l'opération. Mes collègues me disent qu'elles n'ont plus besoin de crier pour que je comprenne (ce qui ne servait à rien d'ailleurs) et que ma voix s'est modifiée. Moi-même je sens que je parle beaucoup moins fort, je peux maintenant contrôler ma voix.

J'avais prévu un an d'adaptation avec des séances d'orthophonie fréquentes (environ 2 à 3 par semaine). Certainement ai-je encore à progresser, surtout pour entendre sans lire sur les lèvres, mais je dois dire que sans faire de gros efforts, simplement en allant travailler tous les jours et en écoutant mes collègues, mes enfants, les amis, la télévision et bien sûr les séances d'orthophonie (une à deux fois par semaine) où il faut entendre sans lire sur les lèvres, j'arrive à un résultat plus que satisfaisant et me sens revivre.
Mes relations avec mes enfants se sont améliorées, je les écoute alors qu'ils souffraient de mon manque d'attention, pour les devoirs le soir, le compte rendu de leur journée et toutes sortes de choses qu'ils ont à me raconter.
Auparavant c'était très difficile de maintenir une écoute avec eux, et la conversation se limitait à quelques phrases.

Aujour'hui 6 mois après l'opération je ne regrette rien et suis très satisfaite de l'avoir tentée.
J'avais confiance en l'équipe médicale qui ne m'aurait pas permis une telle opération si ne j'avais pas de chance de réussite. L'angoisse de voir mon audition diminuer de plus en plus et d'arriver à grands pas dans un monde de silence à disparu. J'ai au contraire maintenant l'espérance de progresser de plus en plus avec l'implant. A chaque bruit que j'entends et que je ne reconnais pas, je demande à mon entourage de quoi il s'agit, alors je l'enregistre dans ma tête pour le reconnaître la prochaine fois et cela
devient très exitant de voir ses possibilités d'écoute s'élargir.



Septembre 1997
Danielle LOUIS implantée boitier Sprint 22 à Bordeaux en 1997